Travail in situ

La notion de travail in situ, telle que Daniel Buren l’emploie pour définir son activité artistique dès 1965, signifie que l’œuvre naît de l’espace dans lequel elle s’inscrit ; elle ne saurait être envisagée sans considération de son lieu de présentation, dans et pour lequel elle est conçue.

Ce postulat-méthode est élaboré tandis que l’artiste mène des expériences picturales ; il constate rapidement que « l’environnement de la peinture [..] semble toujours plus important et plus riche que la peinture elle-même. » Or ce caractère déterminant du contexte est bien souvent oublié, ignoré ou accepté sans discussion, au nom de la « soi-disant autonomie de l’œuvre d’art » (une œuvre aurait un contenu intrinsèque qui agirait de la même manière en toutes circonstances). Une idée contre laquelle lutte Daniel Buren, affirmant que le lieu agit sur l’œuvre, de façon extrêmement forte et toujours non-dite, que le musée notamment soumet les œuvres à ses contraintes et à ses implications sous-jacentes, presque toujours en contradiction profonde avec les œuvres exposées.

À travers la notion de travail in situ, il tente d’inverser cette relation, afin que ce soit l’œuvre qui transforme le lieu ou, du moins, le révèle tel qu’il est, dévoile ses spécificités et donc le poids qu’elle a sur elle. Pour cela, elle doit répondre à un principe simple : sa conception, sa fabrication, son exposition doivent être déduites du lieu et réalisées sur place ; une méthode qui implique la perte de l’atelier et l’abandon des formats habituels (toiles transportables d’une cimaise à une autre, photos, films, objets en trois dimensions, etc.).

Daniel Buren va ainsi de lieu en lieu sans connaître au préalable ce qu’il va réaliser, sa biographie officielle se limitant à la phrase « vit et travaille in situ » : l’essentiel est à faire, à voir, à expérimenter, dans le lieu même. À chaque fois les dispositifs sont uniques et détruits à la fin de l’exposition (sauf commandes pérennes), puisqu’ils ne peuvent être installés ailleurs (seule exception : les œuvres situées). Chaque œuvre de Daniel Buren est donc indissociable de son site, qu’elle soit en osmose avec lui ou érigée contre lui.

Travailler in situ, c’est questionner la liberté supposée de l’artiste et, surtout, dévoiler les spécificités insoupçonnées mais signifiantes des lieux, offrir une nouvelle vision du lieu et de l'œuvre qui s'y montre ainsi « élargie ».