Travail situé

Le travail in situ, intimement lié au lieu dans lequel, pour lequel et en fonction duquel il est conçu, est par définition non déplaçable. Mais il existe une deuxième série d’œuvres qui peuvent circuler suivant des règles à chaque fois définies : ce sont celles que Daniel Buren nomme les travaux situés.

Dès l'origine, les travaux sur toiles rayées, bien que proches à plus d'un titre de la peinture, étaient toujours accompagnées d'une notice indiquant succinctement comment ces œuvres devaient être présentées lors de toute exposition dans un autre espace. Plus précisément encore, c’est en 1975, en raison d’une contrainte, que la notion de "travail situé" s'est développée : le musée de Mönchengladbach, en Allemagne, où Daniel Buren venait d'exposer, devait déménager et transporter son œuvre dans un nouveau bâtiment, la question alors s’est posée : comment déplacer les œuvres ?

Tout comme certaines pièces de l’art conceptuel peuvent être « rejouées » en différents contextes selon un protocole, des travaux situés peuvent être rejoués dans différents endroits, à conditions de suivre des principes établis par l’artiste - mais contrairement à l’art conceptuel, et c’est une différence fondamentale, l’œuvre ne saurait se réduire à ces instructions, elle n’existe que physiquement, dans un espace.

La plupart des Cabanes éclatées sont, par exemple, des travaux situés, dispositifs indissociables d’un environnement mais qui ont la capacité de s’adapter à un nombre infini de situations différentes et qui, à chaque fois, changent elles-mêmes, autant qu’elles transforment le lieu.

Ce ne sont pas pour autant des œuvres qui peuvent s’accrocher « n’importe où », insiste Daniel Buren, et on retrouve là sa lutte contre la « soi-disant autonomie de l’œuvre d’art » ; il y a bien une règle du jeu à suivre et un type d’espace à adopter, ce sont des travaux mobiles dont on peut voir différentes combinaisons, différentes versions.

La métaphore du théâtre semble le mieux correspondre au principe des travaux situés : à chaque installation, c’est une pièce de théâtre que l’on rejoue ; le texte n’a pas bougé, mais la mise en scène, le décor, n’ont rien à voir avec la première représentation et en changent considérablement notre appréhension, tout comme elles changent l’apparence de la scène.