Les couleurs de l’œuvre

Marc Sanchez : Comment avez-vous choisi et distribué les couleurs qui composent l’œuvre ?

Daniel Buren : Tout d’abord, et comme souvent en ce qui me concerne, ce sont non seulement les contraintes du lieu mais également celles des matériaux utilisés ou disponibles qui ont produit les décisions et les choix. Pour arriver à colorer la lumière comme je le voulais, il s’est avéré que la meilleure solution était de tendre un film plastique, matériau léger, flexible et transparent, sur des châssis circulaires en acier, réalisés tout spécialement. Or, ce film n’existe qu’en quatre couleurs basiques qui sont un bleu, un jaune, un rouge orangé et un vert. J’utilise donc ces quatre couleurs sans avoir d’autre choix possible. Voilà donc mon matériau coloré de base, auquel viennent s’ajouter le blanc et le noir.
Puis, en suivant un système très simple mais qui s’est révélé très efficace, j’ai distribué ces quatre couleurs sur le plan de l’ensemble du dispositif, en partant du haut à gauche (le nord étant à droite) et en remplissant systématiquement tous les cercles en suivant l’ordre alphabétique du nom des couleurs, c’est-à-dire : Bleu, Jaune, Rouge orangé, Vert, et ainsi de suite jusqu’au remplissage complet de tous les cercles. Cela nous a donné une répartition étonnante où l’on trouve la première couleur (le bleu) disséminée 95 fois et chacune des autres trois couleurs disséminées 94 fois. Donc, une répartition égale à laquelle s’ajoute la première couleur comme si ce cycle : B, J, Ro, V, B, J, Ro, V, B, J, Ro, V pouvait se continuer sans interruption mais devait se conclure avec la première des couleurs : le bleu.
Dans la partie centrale, la projection verticale de la circonférence formée par la coupole vient littéralement arrêter net l’accumulation des cercles colorés ouvrant ainsi un grand espace vide circulaire au sol duquel sont placés des miroirs ronds qui reflètent l’image de la coupole et sur lesquels les visiteurs sont incités à monter. La coupole, à son tour, est colorée par un damier de filtres, placés ainsi au plus haut point de l’espace, sur la verrière elle-même, à plus de 35 m de hauteur. La couleur ici utilisée est le bleu, et j’attends avec impatience de voir les mélanges qu’elle formera et les nouvelles couleurs qui naîtront en se projetant sur les quatre couleurs des cercles du dessous et sur les bandes noires et blanches de leurs poteaux verticaux.