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Les Écrits
Marc Sanchez : Au moment même où se déroule cette MONUMENTA, le Cnap et Flammarion publient en coédition "Les Écrits", un important ouvrage qui réunit plus de six cents textes que vous avez écrits entre 1965 et 2012. Quels types de textes contient ce livre ?
Daniel Buren : Il faut rappeler que vous avez été la cheville ouvrière des premiers trois tomes des « Écrits », édités par le capcMusée d’art contemporain de Bordeaux lors de mon exposition sur laquelle vous aviez travaillé en 1991, et que vous êtes, de nouveau, au centre de cette « suite » ! Nous profitons donc de MONUMENTA pour, non seulement publier à nouveau Les Écrits, 1965-1991, qui sont épuisés, en les complétant par une quarantaine de textes qui avaient été oubliés à l’époque, mais également pour continuer cette grande entreprise en y ajoutant tous les textes écrits entre 1992 et l'été 2012.
Ce nouvel ouvrage comprendra donc réellement tous les textes que j’ai pu écrire, petits et grands, pamphlets et lettres ouvertes, essais ou échanges avec des artistes, et inclura les entretiens importants, réécrits et corrigés par moi-même avant leur parution. Comme je l’avais déjà indiqué en 1991, un tel ouvrage ne peut remplacer le travail concret réalisé pendant toutes ces années, mais il en est l’accompagnateur. Ces textes sont, dans leur grande majorité, écrits et inspirés par le travail lui-même, mais, parfois, ils sont utopiques et le précèdent de quelques années. Ils s’éclairent alors d’un jour nouveau, confrontés aux travaux réalisés qu’ils annonçaient.
MS : L’existence de ces nombreux textes, que vous dites « accompagner » le travail, prouve l’importance que vous accordez à l’écrit. La lecture de ces documents est-elle indispensable pour saisir toute la dimension de votre travail ?
DB : Lorsque deux activités distinctes, de surcroît toutes deux publiques, cohabitent, quoique l’on pense de ces activités et même si l’une dominait fortement l’autre, pourrait-on faire l’économie de l’activité secondaire sous prétexte qu’elle serait moins importante ? L’ensemble me semble former un corpus difficilement amputable. Dans le corps humain, les yeux et les pieds n’ont pas les mêmes fonctions, même si pour certains, les uns sont plus indispensables que les autres ; mais qui accepterait de gaîté de cœur de se séparer des uns ou des autres ?
Admettons maintenant un instant que l’on puisse séparer le travail écrit du travail visuel et plastique. Je pense alors qu’il serait possible, non seulement de voir et de suivre, mais également de comprendre parfaitement mon travail, sans avoir jamais lu une seule ligne de mes textes se rapportant à lui. Le travail visuel se suffit à lui-même. Si, maintenant, on prenait l’exemple inverse, pourrait-on dire que celui ou celle qui n’aurait jamais vu un travail de moi, mais qui connaîtrait tous les textes écrits, pourrait avoir une idée concrète suffisamment réelle et juste du travail visuel que j’ai réalisé ? Ma réponse, sans aucune ambiguïté, est : non, c’est absolument impossible ! En revanche, mes écrits et mon travail plastique, je veux bien l’admettre, s’épaulent l’un l’autre. Mais mon travail plastique n’a besoin, à mon sens, de rien d’autre pour exister et pour être compris. Je ne suis pas absolument sûr que mes textes n’aient pas besoin de mon travail plastique pour être compris… Ainsi, même si l’un et l’autre sont liés, voire pour certains, indissociables, je crois que seul mon travail plastique peut être parfois théorique, mes écrits, jamais.