Les Deux Plateaux
Descriptif du projet pour la cour d’honneur du Palais-Royal ; in Archi-Créé, décembre 1985-janvier 1986, no 209, p. 62-63.
Les Deux Plateaux
L’œuvre projetée pour venir s’inscrire dans la cour d’honneur du Palais-Royal repose sur deux principes fondamentaux.
Le premier consiste à ne pas ériger de sculpture au milieu de cette cour d’honneur, mais de révéler le sous-sol.
Le second vise à inscrire le projet dans la composition architecturale du Palais-Royal qui est essentiellement linéaire, répétitive et tramée.
Comment l’œuvre se construit-elle ?
Tout d’abord en créant un maillage ou quadrillage du sol, dicté par l’alignement des colonnes constituant la colonnade de la galerie d’Orléans. L’entr’axe des colonnes étant de 310 cm, le côté de chaque carré est de cette dimension.
Ensuite, au centre de chaque carré du maillage et dans l’axe exact des colonnes de la galerie d’Orléans, est placée une colonne tronquée.
Les plateaux
L’un, oblique, dont la ligne de plus grande pente est sur la diagonale de la cour, révèle le sous-sol.
L’autre, horizontal, créé par l’alignement visuel de tous les hauts des troncs de colonnes dont la hauteur de référence est définie par la hauteur du socle des colonnes constituant les galeries du Palais-Royal, révèle le sol.
Les deux plateaux sont virtuels. L’un et l’autre ne pouvant être parcourus dans leur ensemble que visuellement. Ceci n’empêchant pas la cour d’honneur de pouvoir être parcourue par le piéton dans sa totalité, ni l’œil de parcourir l’ensemble architectural environnant. Enfin, chaque colonne accessible permet que l’on s’y assoie ou bien qu’on y monte et, dès qu’une telle attitude sera prise, on ne pourra s’empêcher de penser aux statues sur socles qui ornent nos jardins et, pour commencer, à celles qui ornent la façade du Conseil d’État.
Les colonnes
Elles sont de trois types :
– Arasées au niveau du sol, elles apparaissent comme une incrustation dans celui-ci et laissent ainsi le passage libre aux véhicules utilitaires.
– Hautes de 8,7 cm à 62 cm, le sol sur lequel elles reposent variant en fonction des lignes de pente nécessaires pour l’écoulement des eaux de pluie, leur hauteur est donc déterminée par la pente et par la place qu’elles occupent dans la surface de la cour.
– Hautes de 319 cm, implantées sur la pente naturelle des tranchées, elles s’enfoncent jusqu’à disparaître complètement, la dernière se trouvant sous le sol jusqu’à affleurer au ras de celui-ci implantée au centre d’un cube parfait.
Autour de ces colonnes et sur les tranchées sont posées des grilles permettant à la fois de les franchir et de voir le sous-sol. Toutes les colonnes sont d’une circonférence égale à celles utilisées dans les galeries du Palais-Royal. Elles sont rayées de bandes verticales blanches et noires d’une largeur de 8,7 cm chacune.
Le sol
Un maillage carré de 319 cm de côté est matérialisé, dans le sens perpendiculaire à la galerie d’Orléans, par des bandes noires de 8,7 cm et dans le sens parallèle par des bandes alternées de carrés blancs et noirs de 8,7 cm de côté. Le tout inséré dans un écrin en aluminium de 5 mm d’épaisseur.
Les matériaux
Ce qui est blanc est en granito blanc de marbre de Carrare. Ce qui est noir est en marbre noir des Pyrénées. Le centre de chaque carré est constitué par un revêtement de porphyralsphalte sablé. Les parois verticales des tranchées sont en ciment-pierre.
On remarquera que la dimension 8,7 cm, qui est celle à la fois de la largeur des bandes et de la hauteur d’émergence minimum des colonnes au milieu de la cour, correspond exactement à l’Outil visuel que j’utilise depuis vingt années sans interruption et sans aucune variation.
La fontaine
Le fond des tranchées est constamment balayé par un film d’eau de 3 cm de hauteur, en mouvement continu et formant ainsi une grande fontaine de douze mètres cubes.
L’eau s’écoule grâce à une pente naturelle qui va d’un point haut au niveau du sol jusqu’à un point bas se situant à 319 cm de profondeur.
L’éclairage
À l’intersection de chaque bande du maillage au sol, un clou luminescent de couleur produit, une fois éclairé, un point lumineux au ras du sol. Ensuite, et toujours suivant le maillage, les tranchées sont éclairées par une ligne lumineuse accrochée sous les grilles, venant illuminer l’eau et les colonnes en sous-sol. Par réflexion, se dégagera des tranchées un halo de lumière marquant le sous-sol.