© Daniel Buren / ADAGP, Paris.
La couleur
La couleur est présente depuis le départ dans le travail de Daniel Buren. Au moment où il arrive sur la scène internationale, son usage est pourtant curieusement proscrit, les avant-gardes (art minimal et art conceptuel, essentiellement) se contentant du blanc et du noir, voire de gris et d’ocres, teintes neutres, ou bien encore de la couleur brute des matériaux utilisés, prétendus gages de sérieux. Daniel Buren se démarque par un usage de couleurs franches, jugées décoratives, adjectif qu’il assume parfaitement car « d’une certaine façon, l’art n’a jamais cessé de se préoccuper du décoratif ».
Lorsqu’il utilisait du tissu à bandes, Daniel Buren était tributaire des quelques coloris disponibles, puis il a commencé à imprimer ou faire fabriquer ses propres outils : s’est alors ouvert un éventail infini de possibilités, dans lesquelles il a volontiers puisé tout en jouant avec la teinte naturelle, les effets des matériaux, la lumière, etc. La couleur prend de plus en plus de place dans son travail. Il faut dire qu’elle offre des qualités irréductibles : elle rayonne, diffuse, prend un certain volume, elle peut être appliquée à l’outil mais aussi à d’autres éléments du dispositif : murs, parois... Le spectateur se retrouve alors « pris » dans la couleur, qui a conquis l’espace tridimensionnel.
Le choix et l’agencement des nuances dans une œuvre relèvent du hasard, à de rares exceptions près (souvent pour des raisons de lecture). Ainsi, le goût personnel de l’artiste n’entre pas en jeu dans la composition. Ordre alphabétique, ordre des couleurs de l’arc-en-ciel, tirage au sort : ce n’est pas dans leur agencement que les couleurs agissent, mais au sein d’un dispositif et avec leurs caractéristiques propres.
« J’utilise la couleur en ayant conscience qu’il s’agit d’un élément fondamental des arts visuels. C’est l’un des rares éléments que les artistes peuvent aborder et toucher et qui est d’une certaine façon de la pensée pure. C’est impossible de la transcrire ni en musique, ni en parole, ni en philosophie, en rien ! C’est brut ! » Les couleurs sont probablement l’une des choses les plus intrigantes et importantes de l’art visuel, un élément clé de la philosophie de Daniel Buren.